
Dame A: Mais pourquoi avoir
construit cette tour? Décidément, je ne comprendrai jamais les Guînois
!
Dame B: Effectivement, c'est
dommage. Quel magnifique emplacement! on pouvait y installer un moulin à
vent!
Dame E: Ici, c'est sûr et
certain, c'est pas le vent qui aurait manqué!
Dame D: Mais non, vous avez
tout faux. Discuter de la tour, c'est trop tard ! C'est de cette flèche
motte de terre dont il fallait se débarrasser!
Dame A: Ca, c'est vrai. Il
fallait raser la motte, enlever toute cette terre et faire un vrai pâté
de maisons!
Dame D: Mais évidemment, au lieu de ça, ils ont bâti autour.
Dame A: Voilà ce qu'il
fallait faire: tout raser. J'ai d'anciens plans à la mairie et si le Duc
de Guise avait laissé des choses en place après 1558, et bien il fallait
finir le travail 150 ans plus tard.
Sieur C:
Attendez un peu braves gens! Je vous laisse discourir depuis un moment
mais vous me semblez être bien ignorant du passé de la ville et je vous
vois prêtes à détruire tout sur votre passage comme au bon vieux temps des
hordes barbares! C'est comme ça que vous voyez l'histoire?

Dame E:
Vous fâchez pas, on essaye d'être pratique
Dame B: Ben oui, c'est vrai,
vous vous rendez compte de tous les problèmes que les Guînois ont connu
avec cette motte?
Dame A: Oui, les éboulis,
les autorisations pour louer, pour construire. .. C'est... C'est une
galère ce truc!
Sieur C: Ce truc comme vous
dîtes, il a plus de 9 siècles, là aujourd'hui, je vous en parle et on
est en 1860! Ce « truc », c'est de la terre apportée à dos d'homme!
Dame A: C'est pas un
champignon? Ca m'en a tout l'air pourtant! Un gros champignon qui
aurait poussé en plein milieu de Guînes?
Dame E: Ouais, pis on aurait
mis une grosse candelle en haut, au milieu: c'est la Tour de l'Horloge.

Sieur C: Allez, c'est bien
maintenant, arrêtez vos histoires. Cette motte de terre, c'est celle de
Sigfrid vers 928 et c'est à partir de là que les comtes de Guînes ont
logiquement lancé les travaux de leur château-fort en pierre de taille
et que les Anglais ont encore fortifié.
Dame D:
Ben ouais, c'était pas la peine de faire un si beau château fort pour
le laisser aux Anglais.
Dame B:
D'autant plus que le Duc de Guise va le raser ce si beau château fort
quand il aura repris le secteur aux Rosbifs!
Dame E: Ah ça c'est une
histoire formidable: on est Anglais pendant plus de deux siècles et d'un
seul coup, plus personne! "English go home" et il faut repeupler!

Sieur C: Tu ne penses pas si
bien dire et c'est comme ça que les protestants vont arriver chercher leur
tranquillité à Guînes et dans tout le pays reconquis.
Dame A:
Et allez! C'est reparti pour une nouvelle conférence!
Dame B: Et les protestants
par ci, et ils ont des entreprises artisanales par là, ils se servent de
l'eau de Guînes
Dame A:
et ils construisent un temple!
Sieur C:
Et ils laissent Guînes dans un triste état après la révocation de l'Edit
de Nantes...E : Mais oui, ne vous moquez pas! C'est l'histoire d'une
motte, d'un château, d'une tour, l'histoire des hommes qui ont fait tout
ça! Ne vous moquez pas, c'est votre histoire!
Dame D:
Oui mais après tout ça, pourquoi elle reste là cette fichue motte?
Sieur C: Et bien sachez jeune
femme que lorsque le château est rasé, on construit sur la motte une
maison forte pour y loger un capitaine de la place. C'est la dernière
fortification militaire de Guînes.

Dame A:
Oui, d'accord avec toi mais qu'est ce qu'ils auraient bien pu faire les
militaires coincés tout là haut sur leur motte alors que la ville est
grande ouverte et sans défense?
Dame B: il a raison et les
Espagnols ne vont pas se gêner en venant piller la ville à deux reprises
et sans qu'on puisse vraiment les en empêcher!
Dame E:
Pas trop utile ta motte et ton mini château
Sieur C:
C'est vrai mais l'époque était aussi compliquée, avec des conflits
permanents et cette cuve avec cette fortification, c'était l'ultime
rempart pour les Guînois
Dame E: Un rempart avec une cloche pour donner l'heure et sonner le
tocsin

Sieur C: Ben oui, une cloche
fondue en 1634 et qui fut réinstallée dans la tour en 1763.
Dame A: Ah voilà! Bravo et
merci Monsieur Lenoir! C'est ce marguillier en place qui a tout payé pour
construire cette fameuse Tour de l'Horloge!
Sieur C: Oui, Pierre Lenoir,
c'était en quelque sorte un maire de l'époque
Dame E:
Et vous appelez ça comment, un marseillais?
Sieur C:
Mais non, un marguillier. Et il y a cent ans, le marguillier en question
n'avait pas de pouvoir. Toutes les décisions de justice et même
l'administration de la ville, tout se décidait à Calais!
Dame B: Ah, ça c'est pas
bien! S'faire commander par des calaisiens, nous on n'aime pas ça !
Dame D: T'as raison et i
s'foutaient même de nous à Calais! Quand on a voulu paver nos rues, ils
nous ont répondu que c'était pas la peine, qu'on était une petite ville et
que c'était une dépense inutile. Vous rendez-vous compte?
Dame A:
Devoir tout demander à Calais pour la moindre bricole, là y avait d' quoi
les secouer les calaisiens !
Sieur C: Oui mesdames, c'est
bien votre petite révolte, votre guînois qui reprend le dessus. Mais que
faire d'autre que subir, il y a cent ans. Nous n'étions pas une ville
reconnue et officielle.
Dame E:
Fallait s'révolter.

Sieur C: Bien, Madame la
révolutionnaire, mais on était déjà en plein dans la révolution.
Dame E:
Et alors?
Sieur C: Alors, il a fallu se
manifester, bouger, montrer qu'on existait.
Dame B: Tu ne vas quand même
pas nous dire que c'est pour ça qu'on a fait cette tour.
Sieur C:
Et bien oui Monsieur! C'est pour ça qu'on a fait cette tour, en ce lieu,
sur l'ancien donjon du château des comtes de Guînes, pour bien montrer que
nous avions une grande histoire derrière nous et prouver que nous avions
un avenir, montrer aux dirigeants calaisiens que Guînes existait, qu'il
avait son identité.
Dame E:
Et c'est pour ça qu'on a fait la tour?
Sieur C: Oui en grande
partie, pour que vous soyez fiers de votre ville, c'est un symbole cette
tour!
Dame A: Ouais, ben symbole
ou pas, mon copain Griffon, vous savez le pharmacien?
Dame B: Oui; c'est celui qui a voulu bâtir là derrière?
Dame Dame A:
Oui c'est ça, et bien il est toujours embêté avec les éboulis, on l'a même
obligé à faire un mur de soutènement.
Dame B:
C'est comme Pierre Morgant, l'aubergiste du Lion d'Or.
Dame E: Ouais, celui là, on
le connaît tous bien car c'est toujours là qu'on va boire un coup!
Dame B: Oui. Lui, on lui a
vendu une parcelle au pied de la motte pour y faire une grange mais on lui
a dit que c'était à ses risques et périls. Tant pis pour lui si il reçoit
des pierres ou de la terre sur son bâtiments.
Sieur C:
Arrh, vous êtes vraiment formidables. Vous voulez tout pour rien ! Vous
rognez, vous grattez au pied de la motte pour vos constructions mais vous
n acceptez pas les inconvénients.

Dame A:
Tu vois, fallait la raser cette foutue motte!
Sieur C: Je ne sais pas si la
tour est un symbole mais on pourrait y inscrire votre devise « Fiers
d'être Guînois, Fiers d'être râleurs »
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