De G. Père
Certes mais quand même, leur révolution leur a fait perdre la tête, il n'y a
plus de repère, plus d'autorité, et
notre église ils ont tout saccagé! c'est devenu une halle au blé.
Charles
Ne nous agitez pas père, tout cela va s'arranger.
Marie-
Oui.
Charles
Mais oui et notre vieille demeure de Bien-Assise n'a pas été brûlée par les
Révolutionnaires, nous l'avons fait
raser nous-mêmes pour construire ce nouveau et superbe château.
De G. Père
Tiens, en parlant de Révolutionnaires, regardez qui nous arrive!
CllARLES, MARIE
T., M. DESSAUX, M.
LE MAIRE:

Dessaux
M. de Guizelin, Charles, Marie, Mesdames, bien le bonjour. Toujours aussi
taquin M. de Guizelin que de
vouloir me coller cette étiquette de Révolutionnaire.
De G. Père
Mon cher Dessaux, vous saviez bien que je plaisante.
Dessaux
Bien sûr, M. de Guizelin, bien sûr, mais je sais bien que vous m en voulez
toujours un peu.
Charles
Allons Monsieur Dessaux, tout cela c'est de l'histoire ancienne.
De G. Père
Mon fils a raison, Monsieur le Maire, c'est une histoire du siècle
dernier.
Dessaux
1793, Messieurs, le 21 novembre précisément, je m'en souviens comme si
c'était hier et à vous Mesdames,
pardonnez-moi de vous infliger ces vieilles histoires, ces vieilles
rancœurs.
De G. Père
Mais
non M. Dessaux, ce n'étaient que de vieux papiers.
Dessaux
Oui mais il y avait là les titres de noblesse de la famille de Guizelin.
De G. Père
C'est bien vrai hélas.

Dessaux
Et je n'ai pas eu le choix; les instructions des comités populaires
étaient clairs: tous les titres de propriété à
caractère nobiliaire devaient être détruits et mon étude notariale était
dans le collimateur des révolutionnaires.
Charles
Et le tout au bout d'une perche pour y foutre le feu!
Marie
0h Charles, surveillez votre langage.
ADÉLAIDE ET AUGUSTE
(ADOS) ENTRENT EN SCÈNE AVEC UNE PLAQUE

Adélaïde
Père, ça y est, c'est fait, regardez comme elle est belle.
Auguste
M. Régnier, le forgeron, vient de l'apporter.
Adélaïde
Grand-père, regardez, il y a le nom des de Guizelin.

Mme Grésy
Oh, ils vous appellent grand-père, comme c'est mignon.
Adélaïde
On francisa son nom pour qu'il devienne Antoine de Jacomel à qui on confia le
poste de juge général en la justice
de Calais, terres d'Oye, comte de Guînes et...
De G. Père
... et les honneurs n'allaient
pas sans quelques largesses matérielles, on lui donna...
Auguste.............
les terres de Bien-Assise.

Charles
C'est très bien les enfants, autant Adélaïde qu'Auguste, et n'oubliez pas, cet
Antoine de J acomel fut un brillant
juge général de Calais et du Pays reconquis.
De G. Père
Si Bidossau, cet imbécile de gouverneur de Calais l'avait écouté, les
Espagnols n'auraient pas mis à sac la ville de
Calais et celle de Guînes du même coup.
Charles
Antoine de Jacomel fut fait prisonnier, taxé à une rançon de 2000 écus.
De G. Père
Et il en est mort de chagrin, le pauvre.
Mme Grésy
Tout cela est vraiment passionnant.
Mme Lenoir
Oh que oui, l'histoire du pays reconquis se confond avec celle de la
Bien-Assise.
Mme Grésy
A ce propos
(elle sort un
papier), mon
notaire de mari, dont vous connaissez aussi la passion pour l'histoire et la
généalogie, m'a
remis quelques documents qui attestent que les Jacomel se sont fait appeler
Jacomel de Bien-
Assise.
Dessaux
Attention aux papiers Mme Gresy, une étincelle et pouf. . .
(TOUT LE MONDE LE REGARDE
D'UN DRÔLE D'ŒIL!)

Je plaisante, je plaisante, oubliez...
M. de G. Père
Encore un effet de la
Révolution ma chère.
Auguste
Oui, et il y a la date là: 1806.
Adélaïde
Mais pourquoi ils ont aussi marqué De Laverdy ?
Marie- T.
Mais c'est mon nom de jeune fille Mademoiselle, avant d'épouser votre papa, je
me nommais Marie Anne
Antoinette Adélaïde de Laverdy.
Adélaïde
Oui pardon mère, vous me l'avez déjà raconté mais j'avais oublié, et votre
papa est le chevalier seigneur et baron
de Bernieulles, gouverneur de l'ancien comté de Guînes.
Auguste
Ne crie pas si fort étourdie, si les révolutionnaires nous entendent ils vont
venir nous prendre et nous décapiter.
Marie- T.
Mais non les enfants, la guillotine n'a jamais été installée sur la grand'
place de Guînes.
Auguste
Alors je peux raconter maman qui a construit le premier château de Bien
Assise.
Dessaux
Mais oui mon garçon, ta mère a raison, les Guînois ont du tempérament, ils
sont même un peu chahuteurs mais ce
ne sont pas des assassins; on est en train de leur faire une réputation!
Mme Grésy
Mais oui Auguste, tu peux parler librement, il n'y a pas de danger.
Adélaïde
Et moi, je sais aussi, grand-père me l'a raconté: tout commence en 1558 quand
le duc de Guise reprend la
ville aux Anglais.
Auguste
Antoine Giucomelli commandait les troupes piémontaises de l'armée du duc de
Guise.
Mme Lenoir
Oui, fort intéressant le
document de Mme Grésy, en 1681, un autre Antoine de Jacomel épouse Catherine
de
Cancer dont il a deux enfants. Sa fille Catherine épouse en 1715 Louis Marie
de Guizelin, seigneur d'Arnèque et
des Barreaux, originaire de Réty.
Adélaïde
Et c'est comme ça que nous sommes devenus de Guizelin de Bien-Assise.
Auguste
Eh voilà encore des histoires à raconter.
Dessaux
Alors si vous avez encore des histoires à raconter, je vais avant tout faire
part de l'objet de ma visite.
De G. Père
Allez-y, je vous en prie M. Dessaux.
Dessaux
Voilà, c'est vous que je venais voir Marie-Antoinette; je voudrais que vous
soyez présente à la pose de la
première pierre de notre hôtel de ville.
Marie- T.
C'est trop d'honneur, M. le Maire.

Dessaux
C'est bien normal ma Chère, vous vous dépensez tant pour les pauvres de notre
ville. Alors, c'est d'accord, je
peux compter sur vous.
Marie- T.
Mais bien sûr, M. Dessaux.
Charles
Et bien voilà M. le Maire et ma chère épouse, voilà une discussion qui n'a pas
fait long feu.
(TOUT LE MONDE LE REGARDE
D'UN DRÔLE D'AIR,
CHARLES VOIT LE MALAISE ET REPREND)
Charles
Bon, en attendant, tout cela nous éloigne de la mort de ce cher Nicolas
Ledoux.
Marie- T.
Oui, c'est vrai Charles et c'est très bien d'avoir une pensée pour lui,
c'était un architecte de renom. Et il était bien
de son temps; les Des Androuins d'Hardinghen, qui nous l'ont fait connaître,
nous ont raconté qu'il avait imaginé la
construction de toute une ville.
Marie
Oui, à Arc et Senans, en Franche Comté, autour d'une exploitation de sel.
Marie
Ses constructions étaient ordonnées suivant les éclipses concentriques
mais Ledoux ne put achever que l'éclipse
centrale.
Charles
Il avait imaginé construire cet ensemble avec les maisons d'habitation,
les commerces, l'église, hospice, le théâtre
et même un édifice à représentation phallique dont je vous laisse deviner
la destination.
Marie
Charles! les enfants !