Il faut attendre la date du 28 juillet 1914 pour que Eugène BROUTTIER
commence à évoquer les rumeurs de guerre après les événements qui viennent
de se dérouler en Serbie. C'est en effet paradoxal que malgré la gravité
des événements dans les Balkans et l'effervescence diplomatique qui règne
dans toute l'Europe, il faille attendre juillet 1914 pour que les
populations locales commencent à évoquer les risques de guerre.
Eugène
Brouttier signale que les soldats en permission ont été rappelés et il
cite la mère d'un officier de Guînes qui lui a déclaré : « Que la
guerre est proche, qu'elle sera terrible, qu'elle ne durera pas plus de
quinze jours" Il évoque ensuite les mouvements de panique qui ont
ébranlé les établissements bancaires à propos des retraits d'argent. Il
faut-noter qu'à cette époque, le papier monnaie n'est quasiment pas
utilisé. Comme partout les épiceries se vident, les marchands de
chaussures sont dévalisés.
Ala date du 1er août 1914, je cite : « Samedi, à 3 h 1/2 de
l'après-midi, l'ordre de mobilisation générale est affiché pour être mis à
exécution à minuit. Le temps est sombre et le pays consterné. Le dimanche
matin, les hommes susceptibles d'être mobilisés commencent à partir, cela
continue tous les jours, les trains sont inaccessibles aux civils. Le pays
est triste, on ne voit personne dans les rues"

De ce fait la ducasse a été annulée, on a interdit tous les jeux et
divertissements.
Une nouvelle vie s'organise, c'est l'état de guerre. Les territoriaux des
vieilles classes sont devenus les G.V.C. autrement les gardes des voies et
communications. A Guînes, leur premier souci sera d'installer un poste
militaire au réservoir d'eau au Moulin à corneilles.
Avec l'arrivée de nouveaux soldats et de nombreux civils la phobie des
espions prend rapidement le dessus. Le 3 août l'abbé Gerrebout bien connu
à Calais dans le quartier des « Baraques » vient en visite à Guînes. Il
est arrêté par une bande de jeunes gens qui lui demandent ses papiers,
l'abbé s'exécute mais les menaces se font toujours plus pressantes. Fort
heureusement un brave guînois le reconnaît et le fait rentrer chez lui
pour le mettre à l'abri.
A partir du 4 août 1914, date à laquelle l'Allemagne a déclaré la guerre à
la France, Eugène Brouttier va relever les événements du conflit mais je
me contenterai dans cet exposé de relever les seuls épisodes de l'histoire
relatifs à la ville de Guînes et des environs.
Avec les premiers jours d'août, le beau temps est revenu. Bon nombre de
Guînois vont en forêt pour ramasser du bois et braconner quelques lapins
puisque les gardes forestiers sont partis à la guerre. La ville de Guînes
est calme malgré la guerre, et le commerce est nul. La fabrique à plumes a
fermé ses portes et pour sortir de Guînes il faut un sauf-conduit. 250
Guînois sont partis à la guerre.
La première affiche signée par Narcisse Boulanger précise quel si les
Allemands arrivent à GUINES aucun civil n'a le droit de leur adresser
aucune injure ni provocation sous peine de fournir un prétexte à des
représailles sanglantes . Il ajoute qu'il appartient aux parents de dire à
leurs enfants d'être raisonnables et de ne pas se trouver sur la voie
publique ». Il termine : "Une fois de plus nous vous supplions de rentrer
chez vous. "
Narcisse Boulanger amène l'idée peu banale de se faire remettre par une
banque locale une somme de 30 000 fr en billets de banque pour la remettre
aux Allemands au cas où ceux-ci rançonneraient les habitants. Il aurait
enfermé les billets dans une boîte en fer que le garde champêtre Plouvain
aurait enterré le long de la muraille du jardin du maire. Cet épisode est
relaté par Léopold Décuppe alors adjoint au maire qui précise que la
banque a demandé outre la signature du maire celles du notaire et du juge
de paix.
Brouttier évoque ce fameux emprunt de 30 OOOfr en précisant qu'il est
destiné aux familles guînoises nécessiteuses coupées de leurs revenus
suite au départ des hommes pour la guerre. Je n'ai pas d'autres éléments
aux preuves à verser au dossier mais il est sûr en tout cas que l'emprunt
de 30 000 fr a bien été souscrit et que Narcisse Boulanger était quasi
persuadé de l'arrivée des Allemands à Guînes.
Deux premiers noms sont relevés parmi les Guînois engagés sur le front des
hostilités. HEZEQUE et BOUTOILLE sont les premiers Guînois à avoir été
blessés.
A sa façon, la ville de Guînes est entrée dans la guerre avec les
premières restrictions et des offices religieux désormais suivis par
beaucoup de personnes qui jusqu'à présent mettaient rarement les pieds à
l'église. Pendant ce temps des automobiles chargées de passagers et de
bagages fuyant Arras, le nord du département et la Belgique, passent en
ville.
On se bat dans l'Aisne, dans l'Oise, le Nord et les réfugiés sont toujours
aussi nombreux. Toutefois, Guînes n'est qu'une ville de passage où
quelques immeubles inoccupés sont réquisitionnés pour l'accueil des
fugitifs. Ce flot de réfugiés n'est évidemment pas un bon signe pour ce
qui se passe sur le front des opérations militaires.
Le maire de Guînes est particulièrement anxieux et le 9 octobre il fait
afficher une nouvelle proclamation difficilement justifiable même si les
événements sont graves. En voici le texte (je vous le livre intégralement
sans modification de texte) :
"Les renseignements qui me parviennent me
font supposer que les troupes allemandes peuvent être dans l'après-midi à
Guînes. Restez calme et silencieux en face de l'ennemi. Conservez votre
sang-froid en face de l'envahisseur. Au besoin, n'oubliez pas que pour la
France les français doivent mourir. Comme maire de cette ville, comme
représentant du peuple, je ferai mon devoir, je resterai à mon poste. A
vous d'en faire autant. Je vous invite au passage des troupes ennemies à
rester dans vos habitations, à fermer portes et fenêtres et exiger de vos
enfants qu'ils soient sages et silencieux. »
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